Système éducatif sénégalais : des mots dans les maux

Abri provisoire à Ngomène
Pour réformer un système il nécessite des moyens et des ressources. Au Sénégal, le système éducatif au  cycle primaire a été réformé sans ces derniers.


Manque de formations pour les enseignants

En évoquant la généralisation du Curriculum de l’éducation de base (CEB), l’ancien ministre de l’éducation, Pr Kalidou Diallo disait ceci : « on ne peut pas commencer un marathon en boitant ».
Paradoxalement, l’Etat sénégalais a généralisé cette réforme de l’éducation en boitant. Et je dis pire même : il s’est lancé dans un marathon avec un seul pied.
Pour que cela soit compris il faudrait quelques petites explications.
En effet, le CEB a été généralisé sans un accompagnement en intrants. Donc nous pouvons dire que le Sénégal ne dispose pas les moyens nécessaires pour adopter ce nouveau système. D’une part, le plus grand nombre d’enseignants sont issus de la «vieille école » si je peux le dire ainsi, par comparaison aux anciennes méthodes et à celles nouvelles, issues du CEB. En conséquence, tous ces enseignants devraient bénéficier d’une bonne formation pour entamer ce virage. Au contraire, ce sont des séminaires de cinq jours seulement qui ont été organisés pour former ces pratiquants. Et plus grave encore, la plupart des inspecteurs qui animaient ces ateliers n’ont pas une  maîtrise parfaite de l’ensemble des procédés à réunir pour arriver à l’essence du curriculum. Le résultat est évident, les formés auront une compréhension floue sur les techniques à adopter. Du coup, chacun y va avec sa propre compréhension. Dès lors, les contenus et les moyens ne seront pas harmonisés. Par contre les évaluations en fin de cycle (sixième année) sont harmonisées. Par ricochet l’objectif essentiel visé, les résultats attendus sur les apprenants ne seront jamais atteints.

Absence d’outils pour les apprenants

D’autre part, il existe un manque criard d’intrants pour concrétiser le contenu du curriculum.
En effet, les séances d’apprentissages, toutes les évaluations, les exercices en général sont centrés sur des supports. Par conséquent, l’enseignant devrait avoir tous les outils nécessaires (manuel et matériel) pour entrer dans le « bain » d’un enseignement adapté au curriculum. Et aussi, chaque apprenant devrait disposer d’un cahier (livre) d’exercices dans les différentes matières, même chose pour les cahiers d’intégration. En plus, il leur faut des albums de lecture, -livres sous formes de bandes dessinées pour certains niveaux-.
Ceci dit, il nécessite d’énormes moyens financiers pour se lancer à la généralisation d’un tel programme. Car, chaque année, des millions de manuels devraient être édités pour tous ces milliers d’élèves du cycle primaire.
Malheureusement aucun effort n’a été effectué dans ce sens. C’est seulement lors de la généralisation du CEB, en octobre 2009, que précisément des cahiers d’intégration ont été confectionnés pour les élèves de ces cours : CI, CP et CE1. Vous le constatez, rien des autres outils que nous avons cités plus haut. Pourtant c’était la première année, mais même les maîtres n’avaient pas les ressources sur lesquelles sortiront les enseignements à dispenser tels qu’ils sont écrits dans les guides du CEB. La situation ne fait que s’empirer depuis lors. Les maîtres n’ont aucun support, aucun manuel pour enseigner comme il le faut. C’est le même cas pour les apprenants, aucun cahier d’exercices pour consolider ces quelques enseignements fondés sur le curriculum que certains maîtres essaient de respecter tant bien que mal.

Evaluer sur des principes non maîtrisés

Ce qui est inquiétant aujourd’hui, c’est que les élèves qui étaient au CE1 lorsque la généralisation du programme a été effective sont au CM2, en d’autres mots à la dernière année du cycle primaire. Toutefois, ils seront évalués sous les méthodes du curriculum.
Quel paradoxe ! Évaluer un apprenant dans un système d’évaluation dont, le correcteur ne maîtrise ni le contenu des épreuves ni l’élaboration, encore moins la technique d’attribution de points, la correction.
Et pourtant les autorités éducatives sénégalaises savent pertinemment qu’aucun effort, aucun accompagnement pour arriver à  la réussite de ce nouveau système d’enseigner n’a été effectué.
C’est à trois mois des épreuves du Certificat de fin d’études élémentaires que certaines inspections de l’éducation et de la formation organisent un soi-disant séminaire d’une demi-journée pour faire comprendre aux enseignants qui tiennent des classes de CM2 la nouvelle manière d’évaluer.

L’enseignement supérieur changera t-il la donne ?

Le proverbe wolof dit: « garab thia bamouy ndaw lagn kay dioubanti». On pourrait le traduire littéralement ainsi : «l’arbre se redresse lorsqu’il est petit». 
Récemment un comité de Concertation nationale pour l’avenir de l’enseignement supérieur au Sénégal (Cnaes) a été mis en place, sous la présidence de l’éminent intellectuel, le Pr Soueymane Bachir Diagne.
Nous ne pouvons que saluer cette initiative. En revanche, dans le sens de ce proverbe wolof, il fallait commencer par la base, autrement par le primaire pour ainsi aboutir au supérieur. Mais là, on assiste à ce que l’on pourrait dire, « mettre la charrue avant les bœufs ».
Les autorités devraient être rassurées que les réformes on été effectives dans les cycles du primaire, moyen et secondaire et en même temps s’occuper du supérieur. Car, ces différents niveaux du système éducatif sénégalais partagent les mêmes mots et  maux.

L’offre de formation publique de l’Etat n’est pas en phase avec les  besoins que nécessite un développement économique. L’Etat sénégalais ne forme ni des Hommes pour la compétition sur  le marché de l’emploi ni des Hommes capables de se créer des emplois.

Mais actuellement nous pouvons espérer avec ces grands universitaires. Pour les nommer, Pr  Mary Teuw Niane à la tête du ministère de l’enseignement supérieur, Pr Abdoulaye Sock, directeur de l’enseignement supérieur et le Pr Souleymane Bachir Diagne pour diriger la concertation sur l’avenir de l’enseignement universitaire. Tous ces trois ont une maîtrise parfaite du milieu de l’enseignement supérieur, non seulement sénégalais mais aussi international. Une expérience riche et un carnet d’adresses riche, voilà ce que partagent ces trois intellectuels. En conséquent, ils devront être capables de trouver des solutions afin d’avoir un enseignement supérieur de qualité pour l’avenir du Sénégal.
Car ils avaient tous des projets, des visions pour l’enseignement supérieur.
Mais tout cela ne sera pas réalisable si les enseignements au primaire, au moyen et au secondaire ne seront pas réformés.
Grèves des enseignants, une école publique sous menace à cause des crises répétées, manque de formation des enseignants, manque d’intrants pour les apprenants, des milliers d'abris provisoires à travers le pays, tant de maux qui gangrènent le système éducatif, tel que, des états généraux de l’éducation seraient les bienvenus.  Mais c’est connu, le Sénégalais est très fort en matière  de production d’idées et d’élaboration de documents. Mais quant à la concrétisation, à l’application, c’est tout le contraire. Au Sénégal, on réfléchit, on écrit et on le range dans les tiroirs.
En 1981 les états généraux de l’éducation et de la formation ont été tenus mais jusqu’à nos jours aucune des conclusions n’a été exploitée.

Une chose est certaine, l’éducation, autrement la formation attribuée à la  population est capitale pour le développement d’un pays. Et c’est dès le bas âge, l’enfance, que l’éducation doit commencer, c’est cela la logique.
Et si nous voulons façonner des citoyens pour un Sénégal émergent, commençons par les enfants.  






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