Ainsi, nous avons profité de ces moments du libre pour poser quelques
questions à l’un des membres de la plus grande communauté des logiciels libres de
Dakar : Dakar Linux Users Group (DakarLUG).
Il s’appelle Stefano AMEKOUDI. Il est le Directeur du Campus numérique de l’Agence
Universitaire de la Francophonie de Dakar.
J’ai parlé de logiciels libres de façon générale, en abordant
les aspects fondamentaux, définition de logiciels libres, la culture du libre,
la communauté, comment contribuer avec toutes les formes et j’ai aussi fait une
petite emphase sur les distributions
Linux et Linux en particulier. Car nous avons fait une install party, une fête d’installation dans l’après-midi.
Pouvez-vous nous
expliquer un peu le concept de libre et d’open source. C’est quoi un logiciel
libre et c’est quoi un logiciel open source ? Car c’est un peu confus dans
la tête de beaucoup d’internautes.
Pourtant c’est simple. D’abord, un logiciel est dit libre s’il respecte quatre
choses. On parle de quatre libertés de logiciel : la première liberté qui
donne le droit à l’utilisateur de pouvoir disposer du logiciel et de l’utiliser
à n’importe quelle fin. La deuxième qui donne le droit de pouvoir étudier le
logiciel, de voir son comportement et de l’adapter à ses besoins. La troisième
liberté qui est la possibilité de redistribuer un logiciel, le mettre en
téléchargement, le donner à n’importe qui. La dernière qui est la liberté de
pouvoir améliorer le logiciel s’il ne répond pas à vos besoins, de voir et mettre à
disposition des améliorations que vous avez faites.
Donc, vous voyez bien, parmi ces quatre, il y a deux qui nous
disent, pouvoir modifier le logiciel, pouvoir l’étudier, pouvoir l’améliorer.
On ne peut pas faire cela si on n’a pas accès à ce code que le programmeur, le développeur
a fait. C’est ce qu’on appelle le code source ou le programme du logiciel. Mais
aussi les quatre libertés des logiciels libres donne droit aussi à mettre à la
disposition et à ouvrir le code source. En opposé, dès qu’une de ces quatre
libertés est brimée, le logiciel n’est plus
libre.
Cette définition a été mise en place par l’un des pères du
logiciel libre. C’est lui qui a développé l’un des gros outils qui est GRUB
mais qui, surtout a mis en place cet aspect juridique des logiciels libres. Un logiciel
n’est défini que par sa Licence. Ce sont les Licences libres qui font qu’un
logiciel est dit libre. Et l’un des pères qui a écrit cette licence, la
première, s’appelle Richard Stallman. En
opposé de sa fondation, Free Software Foundation, il y a eu un autre penchant
qui est OSI (Open Source Initiative), l’organisme qui définit aujourd’hui ce
que c’est un logiciel à open source. Eux sont plus orientés vers l’aspect
technique. Donc, juste l’ouverture du code. Aujourd’hui un logiciel peut avoir
son code source ouvert, disponible mais brider par exemple la liberté de
pouvoir redistribuer. En résumé un logiciel peut avoir le code source ouvert
mais tant que les trois autres libertés ne sont pas à la disposition de l’utilisateur,
il n’est pas libre. Un logiciel libre est toujours ouvert ou bien son code
source ouvert mais celui à code source ouvert n’est pas n’est pas forcément un
logiciel libre.
Parmi ces deux logiciels,
lequel peut-on télécharger gratuitement sur internet ?
Il faut faire attention à ce mot que tu viens d’utiliser, « gratuitement ».
On a défini les quatre libertés tout à l’heure : utiliser à toute fin,
copier, redistribuer, étudier et améliorer. En aucun moment on a dit pour
copier il faut faire gratuitement. La notion de valeur financière ne fait pas
partie des quatre libertés . Un
logiciel peut être libre mais pour l’acquérir on peut te demander de payer. Le
concepteur peut dire qu’il a besoin de café pour faire son travail. Donc il
faut payer pour ça. Le tant de travail, de jours qu’il a passé pour créer son
code, il peut demander à être rémunérer. Mais ce que je veux dire, c’est
simplement quand vous aurez le logiciel, vous pouvez en faire ce que vous
voulez avec. Libre ne veut pas dire gratuit.
Mais c’est parce que, généralement on dit que vous pouvez redistribuer et copier. C’est
cela qui fait qu’une bonne partie des logiciels libres est gratuite.
Selon vous, quel
impacte pourra avoir ces logiciels libres dans les TIC ici en Afrique ?
Dans ce monde de concurrence où nous vivons, les entreprises
des pays développés ont plus d’opportunités que nous pour accéder à des outils,
à des financements. Le milieu universitaire, de l’éducation a plus de
subventions. Or, pour que nous, pays sous développés en Afrique, puissions être plus compétitifs, pour créer de la
valeur, il faut que nous puissions trouver des moyens de pouvoir être en mode
de « co-mpétition ». C’est-à-dire, être en coopération sur les chaînes
de valeurs où, nos sociétés, nos entreprises pourront y gagner et aller sur les
chaines où nous avons de la valeur ajoutée.
L’exemple le plus simple est celui de Linux où de grandes
sociétés comme IBM, Hp, Cisco et Oracle mettent de la valeur en donnant du
temps de travail de leurs ingénieurs afin de développer cet outil. Parce que
si Linux est bon, plus ils pourront vendre leurs produits. Ils contribuent à
faire développer l’outil et ils rentrent
en compétition sur le marché dans le domaine où ils ont de la valeur ajoutée. C’est
comme ça que nous devons réfléchir aujourd’hui en nous mettant de la matière
dans le logiciel libre. Si nos communautés collectives, nos mairies se mettent
ensembles, en disant par exemple nous avons besoin d’un outil de gestion pour
la mairie. Au lieu de recruter un ingénieur qui coutera cher, donnons tous
ensembles un peu de temps à nos techniciens qui vont contribuer sur un projet. Ce
dernier sera libre, d’autres personnes vont contribuer aussi pour qu’il grandisse
rapidement. Ainsi, il va répondre plus à nos besoins et le coût sera réduit. Pour
qu’une université comme celle de Dakar achète un logiciel, cela lui coutera des
millions. Dans ce cas, l’argent peut être
utilisé dans la construction d’un bâtiment ou la formation de professeurs. Ces
logiciels nous permettent de créer de la valeur, d’être plus compétitifs, de
maitriser le coût de nos achats, de gagner dans « l’interopérabilité » de nos systèmes. Si on a un
logiciel aujourd’hui, demain on ne sait pas si la société qui l’a développé
existera ou pas ? Et si la société meurt, on commence à se tirer les
cheveux, en se demandant comment faire pour que nos logiciels continuent à
vivre ? Ce n’est pas le même cas avec un logiciel libre où mal gré que celui qui l’a développé meurt, le logiciel est
dans la communauté. Cela permet d’avoir une souveraineté sur nos données.
Voilà tous ces éléments qui font que nos Etats, nos
administrations et nos pouvoirs public doivent faire le pari des logiciels
libres. Autre chose, un ingénieur qui s’investie dans un logiciel libre est
connu partout dans le monde entier, parce qu’il y a ce concept de
faire réseau de méritocratie qui est à l’intérieur.
D’après tout ce que
vous avez développé, peut-on dire que le futur, l’avenir des TIC, c’est le
libre ?
Dans le milieu universitaire on peut soutenir cela. On gagne
en recherche et développement parce que la communauté contribue. Et en même, on
contribue à la formation de futurs cadres, de futurs ingénieurs, de futures
compétences. On crée de la valeur qui se renouvèle, qui ne s’arrête pas. La recherche scientifique est basée sur le
principe selon lequel, mon travail est ouvert. Ce qui permet de faire en sorte
que la recherche de l’un débute par les résultats de l’autre. L’avenir des
technologies de l’information dépend de cela. La preuve, c’est que toutes les
statistiques montrent que l’innovation dans les TIC provient de ces logiciels
libres.
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